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La protection difficile des parfums, l'action en parasitisme est-elle une solution ?

En matière de propriété intellectuelle, le parfum est un produit difficilement protégeable par les droits privatifs, tels que le droit d’auteur (il est de jurisprudence constante que le parfum n’est pas une œuvre de l’esprit), le dessin et modèle (qui limite la protection à l’apparence du flacon) et la marque (qui limite la protection à la dénomination du parfum).
Sa protection repose alors principalement sur le secret de sa fabrication.

C’est sur cette problématique que, le 20 septembre 2023, la Cour d’appel de Paris (1) a rendu une décision intéressante qui semble rappeler que l’action judiciaire fondée sur le parasitisme peut être un moyen efficace de défense globale des parfums.

En l’espèce, la Société Guerlain a assigné en juillet 2020 la Société de droit belge PARIS ELYSEES DIFFUSION considérant que la commercialisation, en ligne, depuis 2015, de sa collection de parfums « La Petite Fleur » (déclinée sous plusieurs dénominations) copiait des éléments identificateurs des parfums Guerlain « La Petite Robe Noire » et « Coque d’Or ».

La Société Guerlain demandait alors la cessation des ventes et l’indemnisation du préjudice sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, sanctionnant, notamment, les actes parasitaires.

Le Tribunal de commerce de Paris, par sa décision du 12 juillet 2021 (2), retenait les actes parasitaires, et ordonnait ainsi :

– La cessation de la vente des produits litigieux sur le territoire français,
– L’indemnisation du préjudice commercial à hauteur de 594.000€, correspondant à 1% du budget publicitaire alloué au parfum « La Petite Robe Noire » de Guerlain sur la période litigieuse,
– L’indemnisation du préjudice moral à hauteur de 100.000€.

La Cour a, quant à elle, retenu que les flacons des parfums litigieux étaient le produit de la combinaison de la forme en nœud papillon du flacon « Coque d’Or » et de l’inspiration du nom et de l’identité visuelle du parfum « La Petite Robe Noire ».

En effet elle a jugé qu’ils reprenaient :

– une silhouette féminine dessinée sans visage et portant une petite robe (ce qui n’était pas nécessaire au regard du nom du parfum),
– l’univers de Paris et de la Tour Eiffel,
– les codes couleurs rosés/violets,
– les caractéristiques visuelles essentielles du parfum « Coque d’Or »,
– qu’en outre le mot « Fleur » est écrit avec une majuscule comme le mot « Robe ».

Ainsi, au regard du grand nombre de similitudes entre les produits litigieux et les parfums notoires de Guerlain, la Cour a considéré que celles-ci ne pouvaient être fortuites et lui permettaient ainsi de retenir le caractère intentionnel des captations commises par la Société Belge.

Aussi, appréciant le préjudice moral, la Cour retient que les actes de parasitisme ayant provoqué la dilution de la notoriété de deux de des parfums notoires de Guerlain, et porté ainsi atteinte à sa réputation commerciale, la Société Guerlain pouvait aux yeux du public « apparaître comme incapable de protéger les spécificités de ses parfums (…) ».

Cette analyse semble alors apporter aux exploitants de parfums un nouvel argument au soutien de leurs prétentions indemnitaires en réparation de leur préjudice moral résultant d’actes parasitaires.

Les décisions futures nous éclairerons sur les limites de cette appréciation ; sera-t-elle réservée aux parfums notoires, aux parfums, ou sera-t-elle applicable à d’autres types de produits difficilement protégeables par le droit de la propriété intellectuelle ?

(1) CA Paris, Pôle 5, 1e Chambre, 20 septembre 2023, n°21/19365.
(2) Tribunal de commerce de Paris, 12 juillet 2021, n° 2020029271.

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