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Protéger son œuvre artistique par le droit des marques, est-ce possible ? Oui, sous réserve que l’intention qui sous-tend cette recherche de protection soit celle d’une protection de l’œuvre à titre de marque.

Ainsi, le déposant d’une marque doit, lors du dépôt, avoir l’intention d’exploiter le signe déposé à titre de marque pour désigner et distinguer ses produits et/ou services, dans le cadre d’une concurrence loyale.

Le droit des marques n’a pas pour vocation de combler une protection carencée dans un autre domaine.

La tentative de la Société britannique Pest Control Office Limited de protéger à titre de marque le street graffiti Le lanceur de fleur - Banksyde l’artiste Banksy, connu depuis 2005 sous le nom du lanceur de fleurs, nous le rappelle.

Bref rappel des faits :

la Société britannique Pest Control Office Limited, créée aux fins de représenter les intérêts de l’artiste Banksy dans la gestion de ses droits de propriété intellectuelle tout en préservant son anonymat, a déposé, le 7 février 2014, une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne figurative Le lanceur de fleur - Banksypour désigner de nombreux produits et services, tels que des lunettes, jeux de ordinateurs, livres, sacs, bagages, vêtements, tapis, portes, décorations de Noël, services culturels et artistiques.

L’OUEPI a accepté d’enregistrer cette marque le 29 août 2014, sous le numéro 012575155.

Cet enregistrement a octroyé à la Société Pest Control Office Limited, un monopole d’exploitation à titre de marque de ce signe, opposable aux tiers.

En 2019, la Société britannique Full Colour Black Limited, spécialisée dans l’édition de carte postale, et souhaitant reproduire cette œuvre dans le cadre de son activité, a formé une action en nullité à l’encontre de la marque de l’Union européenne Le lanceur de fleur - Banksyau motif qu’elle aurait été déposée de mauvaise foi, faute d’intention réelle de son titulaire de l’exploiter à titre de marque dans la vie des affaires (1).

Au soutien de son action, la Société Full Colour Black Limited invoquait la position officielle et constante de Banksy, auteur de l’œuvre déposée à titre de marque, à savoir celle des vertus de la désobéissance au droit d’auteur et aux droits des marques. La Société Full Colour Black Limited invoquait également au soutien de son action que Banksy autorisait et invitait tout tiers qui le souhaiterait à reproduire ses œuvres à titre non commercial, fournissant même les moyens de reproduction de ses œuvres.

Banksy ne peut, sans lever son anonymat, agir en contrefaçon de ses droits d’auteur à l’encontre de tiers qui exploiteraient commercialement ses œuvres.

C’est dans ce cadre et afin de combler le frein à une telle action, selon les arguments de la Société Full Colour Black Limited, que Banksy aurait confié à la Société Pest Control Office Limited le soin de déposer à titre de marque son œuvre Le lanceur de fleur - Banksy: afin de pouvoir réagir, non dans le cadre d’une action en contrefaçon de ses droits d’auteur – laquelle présuppose qu’il les revendique et révèle ainsi son identité -, mais d’une action en contrefaçon de marque contre tout usage à titre commercial de son œuvre.

La Société Full Colour Black Limited en conclut que la marque Le lanceur de fleur - Banksyaurait été déposée comme un substitut à une protection de l’œuvre par le droit d’auteur, et non comme un indicateur d’origine, et dès lors aurait été déposée de mauvaise foi, afin de combler une problématique relevant d’un autre régime juridique.

Il n’existe aucune définition légale d’un dépôt de marque effectué de « mauvaise foi ».

Toutefois, la jurisprudence a apporté et précisé les éléments d’appréhension de cette notion (2) : la mauvaise foi peut notamment être caractérisée lorsque qu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a déposé sa demande d’enregistrement sans intention d’exploiter la marque en question, ou dans l’intention de se faire conférer un droit exclusif à des fins autres que celles qui relèvent des fonctions d’une marque, dont la fonction essentielle est d’indiquer l’origine des produits et services qu’elle désigne.

En l’espèce,

L’OUEPI, dans sa décision du 14 septembre dernier (3), a considéré que la marque figurative représentant l’œuvre de Banksy avait été déposée de mauvaise foi. Il a donc prononcé son annulation.

Il s’est notamment appuyé sur l’absence d’exploitation de la marque dans la vie des affaires depuis son dépôt.

Par cette décision, l’Office sanctionne l’instrumentalisation du droit des marques par Banksy – et la Société à laquelle il a confié le soin de la gestion de ses droits.

En effet, l’Office considère que le fait que Banksy soit anonyme constitue un frein dans l’exercice de ses prérogatives attachées aux droits d’auteurs. Par ce dépôt de marque, Banksy aurait souhaité bénéficier d’un titre de propriété industrielle fort permettant la protection de son œuvre à titre de marque, pour combler celle du droit d’auteur.

Cette décision pourrait être lourde de conséquence pour Banksy, en effet, la Société Full Colour Black Limited a déposé plusieurs œuvres de l’artiste à titre de marque de l’Union européenne, or, en application cette décision, toutes ces marques peuvent dès lors subir le même sort, à moins que Banksy décide d’en faire un usage réel et sérieux.

En tout état, elle rappelle un principe essentiel du droit des marques : tout dépôt doit être guidé par l’intention d’exploiter le signe à titre de marque.

(1) Motif de nullité prévu à l’article 59(1)(b) du Règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l’Union européenne.
(2) Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-104/18 P, STYLO & KOTON).
(3) OUEPI, Division de l’annulation, décision N° 33 843 C du 14 septembre 2020.

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