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Les Sociétés Showroomprive.com et Vente-privee.com sont toutes deux spécialisées dans le domaine du déstockage multimarques et proposent à leurs membres des ventes événementielles de courte durée (quelques jours) sur des produits invendus à des prix très largement remisés.

La Société Showroomprive.com a assigné la Société Vente-privee.com afin de voir annuler sa marque semi-figurative française « vente-privee » n°4055655 (ci-dessous représentée), notamment au motif que son dépôt revêtait un caractère frauduleux.

Vente-privee.com

Aux termes d’un jugement rendu le 3 octobre 2019, le Tribunal de grande instance de Paris a fait droit à la demande de la Société Showroomprive.com considérant que la Société Vente-privee.com avait frauduleusement déposé sa marque.

Ce jugement est l’occasion de rappeler ce qu’est un dépôt frauduleux au regard du droit des marques.

Cette notion n’étant pas définie dans la loi, ce sont la doctrine et la jurisprudence qui s’attellent à la caractériser.
Ainsi, la Cour d’appel de Paris a défini la fraude comme le fait de « déposer – une marque – dans la seule intention de nuire et/ou de s’approprier indûment le bénéfice d’une opération légitimement entreprise ou d’y faire obstacle en lui opposant la propriété de la marque frauduleusement obtenue » (CA Paris, 23 février 2000).
La Chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé cette notion en ajoutant qu’« un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu’il est effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité » (Cass.com., 25 avril 2006, n° 04-15641).
Par ailleurs, la Cour de justice de l’Union Européenne (« CJUE ») a considéré dans un arrêt rendu en 2009 (Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli) que « l’intention du demandeur au moment pertinent est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d’espèce ».

En l’espèce, le Tribunal a estimé que la mauvaise foi de la Société déposante, Vente-privee.com, était suffisamment démontrée afin de caractériser la fraude entachant son dépôt. Pour ce faire, il s’est basé sur les éléments factuels relatifs à la marque d’une part, et a retenu l’intention poursuivie par la Société Vente-privee.com, d’autre part.

Les Juges ont ainsi relevé en premier lieu :

Que de nombreux éléments établissent que les termes « vente privée » désignaient en 2013 et bien avant, de manière usuelle, le service consistant à proposer à la vente, lors d’événements d’une durée limitée dans le temps et à un public restreint et invité, des produits de marque en nombre limité provenant d’un déstockage.

Il a en outre considéré que si en adaptant ce modèle à la vente en ligne, la Société venteprivee.com avait connu un succès sans équivalent, elle ne pouvait pour autant s’approprier des termes génériques et n’avait aucune légitimité à monopoliser à son seul profit l’expression « vente-privee » extrêmement proche de « vente privée », en privant ses concurrents de l’usage de ces mots et introduisant ainsi une distorsion dans les règles de libre concurrence.

En second lieu, le tribunal a retenu la connaissance du caractère générique de l’expression ainsi que les intentions d’appropriation de ces termes par la Société Venteprivee.com.

En l’espèce cette connaissance et ces intentions avaient été admises et révélées par le dirigeant de cette Société, lequel avait déclaré à deux reprises dans la presse, antérieurement au dépôt de la marque :

« Le nom « vente privée » c’est le nom de notre site il aurait pu s’appeler autrement, c’est un terme générique et on a trouvé qu’il était très très bien. On avait la chance qu’il ne soit pas déposé et on s’est appelé « vente-privee.com », ça veut tout dire ».
[…]
« Si j’arrive à faire en sorte que le terme « vente privée » nous appartienne un jour, tant mieux. Je comprends qu’on puisse me le reprocher, mais c’est le jeu, chacun défend son territoire ».

Constatant la confusion créée et l’extrême proximité existant entre la marque et le terme générique ainsi que les intentions déclarées de la Société déposante, le tribunal a pu faire droit à la demande de son concurrent Showroomprive.com sollicitant l’annulation de la marque semi-figurative française :

Vente-privee.com

en ce qu’elle désigne les services de la classe 35.

Ce jugement est particulièrement intéressant, car il intervient à la suite d’une série de décisions rendues sur la marque verbale française « vente-privee.com » n°3623085, dont le déposant est également la Société Vente-privee.com.

Celui-ci étant toutefois susceptible d’appel, il est probable que la saga judiciaire opposant les Sociétés Showroomprive.com et Vente-privee.com ne soit pas encore achevée…

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