Le Conseil d’État a interrogé le 14 juin la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) sur la portée de l’arrêt Steria au sujet d’une réclamation effectuée en 2014 par deux sociétés françaises qui demandent le remboursement de l’impôt qu’elles ont supporté sur la quote part de frais et charges (QPFC) de 5% appliquée aux dividendes distribués par leurs filiales européennes. Notre équipe fiscale fait le point sur le sujet et l’impact attendu de la décision de la CJUE.
Par un renvoi préjudiciel du 14 juin 2022, le Conseil d’État (8ème et 3ème ch., 454107) a interrogé la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) sur la portée de l’arrêt Steria au sujet d’une réclamation effectuée en 2014 par deux sociétés françaises (Bricolage Investissement France et Manitou BF) qui demandent le remboursement de l’impôt qu’elles ont supporté sur la quote part de frais et charges (QPFC) de 5% appliquée aux dividendes distribués par leurs filiales européennes.
Ces deux sociétés françaises n’avaient pas opté, par choix pour l’intégration fiscale – alors même qu’elles remplissaient les conditions pour se constituer tête de groupe – et ont perçu des dividendes provenant de filiales européennes qui auraient pu être intégrées si elles avaient été situées en France.
Le régime antérieur à 2016, prévoyait que la QPFC de 5% relative aux distributions de dividendes intra-groupe était neutralisée pour la détermination du résultat taxable du groupe d’intégration fiscale. En revanche, ce dispositif ne s’appliquait pas aux dividendes provenant des filiales implantées dans d’autres États membres. Par une décision rendue le 2 septembre 2015 (CJUE, 2e ch., 2 sept. 2015, aff. C-386/14, Groupe Steria SCA, dit « arrêt Steria »), la CJUE a jugé que le régime français d’intégration fiscale, qui traitait différemment les dividendes provenant de source française et ceux de source européenne, était contraire avec la liberté d’établissement prévue à l’article 49 du TFUE.
Par conséquent, l’article 40 de la loi de finances rectificative pour 2015 a instauré, à compter du 1er janvier 2016, un taux réduit de 1% pour les distributions de dividendes intra-groupes ainsi que pour les dividendes versés par les filiales « intégrables » implantées dans d’autres États membres. En contrepartie, les distributions de produits intra-groupes ne sont plus neutralisées. L’article 32 de la loi de finances pour 2019 a également étendu l’application de la QPFC au taux de 1% aux produits perçus par une société non membre d’un groupe intégré à raison d’une participation dans une filiale établie dans l’Union Européenne sous réserve que ces deux sociétés auraient pu appartenir à un groupe d’intégration si la filiale étrangère avait été établie en France. Toutefois, il est prévu que ce taux réduit ne s’applique pas si la non appartenance de la société française à un groupe résulte d’un choix.
La Cour administrative d’appel de Versailles (Bricolage Investissement France, 19 octobre 2021, 19VE04061, et Manitou BF, 27 mai 2021, 18VE02710) a jugé, en s’appuyant sur la décision Steria, que les sociétés mères intégrées et celles non intégrées sont dans une même situation. Ainsi, la QPFC de 5% n’est pas applicable même lorsque la société mère n’est pas intégrée.
Il est donc demandé à la CJUE de trancher la question de savoir si la jurisprudence Steria s’applique également aux sociétés mères françaises qui n’ont pas opté, par choix, pour la constitution en France d’un groupe d’intégration.
La décision de la CJUE aura inéluctablement un impact sur la législation française actuelle qui prévoit que la QPFC au taux de 1% n’est pas applicable aux dividendes versés par des sociétés européennes à des sociétés françaises lorsque les sociétés françaises ne sont pas membres d’un groupe d’intégration par choix alors que, objectivement, toutes les conditions étaient remplies pour être intégrées.