Avocats
Fiscalité | Location d'un bien immobilier par une société civile

L’existence d’un bail principal au titre duquel une société civile met en location nue un bien immobilier lui appartenant ne la prémunie pas nécessairement d’un assujettissement à l’impôt sur les sociétés (IS) en raison de l’existence d’une sous-location meublée, c’est ce que vient de juger le Tribunal Administratif de Nîmes en date du 11 juillet 2023 (TA Nîmes, 3ème chambre, n°2102347).

Une société civile doit exercer une activité civile pour ne pas être assujettie à l’IS.

La location nue d’un bien immobilier est considérée comme une telle activité.

En revanche, la location meublée d’un bien immobilier est considérée comme une activité commerciale qui, lorsqu’elle est exercée par une société civile entraine, en principe, automatiquement son assujettissement à l’IS (1).

Dès lors, si une société civile non assujettie à l’IS ne peut effectivement pas mettre l’immeuble dont elle est propriétaire en location meublée pour ne pas risquer un tel assujettissement, tel n’est pas le cas, en principe, de son locataire.

Dans ce schéma, la société civile donne à bail l’immeuble dont elle est propriétaire dans le cadre d’une location nue et le locataire sous-loue le bien dans le cadre d’une sous-location meublée. Le locataire paye alors à la société civile un loyer au titre du bail relatif à la location nue et se charge de meubler le bien immobilier. S’il décide de sous-louer le bien en location meublée, il perçoit alors des loyers au titre de cette sous-location qu’il doit déclarer à l’administration fiscale.

Par ce mécanisme, la SCI ne se trouve en principe pas concernée par la location meublée puisqu’elle n’est pas bénéficiaire du loyer en découlant.

Le 31 mars 2023, la Cour d’Appel Administrative de Marseille (2) a jugé qu’une telle interposition était possible y compris pour une location meublée réalisée par des associés d’une société civile dès lors que la location meublée n’est pas assurée par la société civile mais par les associés en tant que bénéficiaires d’un bail nu de cette dernière. Pour justifier sa position, le juge a considéré en l’espèce que :

– La preuve que les locataires avaient eux-mêmes meublés le bien était rapportée ; et
– Les locataires avaient bien déclaré les revenus tirés de la location meublée.

Dans ces conditions, la Cour a confirmé que la société civile ne devait pas être assujettie à l’IS, contrairement à la position de l’administration fiscale.

Une décision contraire du Tribunal administratif de Nîmes en date du 11 juillet 2023 vient d’être rendue.

Aux termes d’un contrat de bail, la société civile (SCI) F avait loué à Mme B, gérante et associée à hauteur de 50 % de la société, différents locaux comportant, notamment, un gîte et 5 chambres d’hôtes indépendantes que Mme B a déclaré exploiter en tant que location meublée.

Au cas particulier, pour confirmer l’assujettissement de la SCI F à l’IS, le Tribunal a fait valoir :

– Que les paiements des clients effectués au titre de la location du gîte et des chambres d’hôtes étaient directement encaissés sur le compte bancaire de la SCI F ;
– Que les charges engagées pour l’exploitation du gîte et des chambres d’hôtes étaient réglées grâce au compte bancaire de la SCI F ;
– Que le terminal de carte bleue permettant aux clients de régler leur location était adossé au compte bancaire de la SCI F ;
– Qu’aucun loyer n’a été effectivement encaissé sur le compte de la SCI F au titre de la location nue alors que ces loyers constituaient l’unique ressource de la SCI F ;
– Que les recettes déclarées par la SCI F s’élevaient à des montants supérieurs aux montants des loyers convenus aux termes du contrat de bail de location nue.

Dès lors, si la mise en place d’un système de location interposée est possible pour éviter l’assujettissement à l’IS d’une société civile, sa mise en place est délicate et doit être rigoureuse sous peine d’être confrontée à une remise en cause par l’administration fiscale.

(1) La doctrine fiscale prévoit une tolérance : les sociétés civiles qui exercent une activité commerciale accessoire peuvent continuer à relever de l’impôt sur le revenu tant que le montant hors taxes de leurs recettes de nature commerciales n’excèdent pas 10 % du montant de leurs recettes totales hors taxes.
(2) CAA de Marseille du 31 mars 2023, n°21MA00318.
­­

***

Pour toute question concernant la fiscalité des sociétés civiles, contactez-nous.

­

Philippe Schmidt
Johanna Segalis
­

Photo par John Towner sur Unsplash
MSI Global Alliance, un réseau mondial présent dans 84 pays et regroupant plus de 200 sociétés indépendantes d'avocats, de comptables et de conseillers fiscaux.
Réseau Entreprendre Paris est une association regroupant 250 chefs d'entreprises qui accompagnent et conseillent les entrepreneurs dans la création et la reprise de sociétés.

CGU/Politique de confidentialité

© Schmidt Brunet Litzler