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Droit Social | Part variable de la rémunération - Obligation de transparence de l'employeur

Le salarié doit avoir connaissance en début d’exercice de tous les éléments composant la partie variable de sa rémunération, y compris lorsque l’un des paramètres est fondé sur des données confidentielles, comme l’a confirmé la Cour de cassation dans trois arrêts du 27 septembre 2023 (1).

Ces trois arrêts de la Cour de cassation donnent l’occasion de faire un point sur les obligations de l’employeur en cas d’attribution d’une rémunération variable à un salarié.

• Information sur le calcul de la rémunération variable en début d’exercice

Certains salariés bénéficient d’une rémunération variable qui s’ajoute à leur rémunération de base appelée le « salaire fixe ». Cette part de la rémunération dite variable peut parfois représenter une partie très importante de la rémunération.

Le principe de cette rémunération variable fait, le plus souvent, l’objet d’une clause dans le contrat de travail ou un avenant et son mode de calcul doit être ainsi clairement expliqué (6). Son montant est souvent fixé sur la base d’éléments objectifs c’est-à-dire sur la base d’objectifs individuels liés aux performances du salarié, ou sur la base d’objectifs collectifs liés aux performances de l’entreprise, sur une période définie à l’avance.

Les objectifs à atteindre peuvent être définis de manière qualitative, quantitative ou mixte, de manière unilatérale ou de façon conjointe entre l’employeur et le salarié. Leur fixation est une prérogative de l’employeur, mais encadrée.

En cas de fixation conjointe, la rémunération variable ne pourra être modifiée ni dans son montant ni dans sa structure sans l’accord du salarié.

En pratique, les objectifs sont en réalité très souvent fixés unilatéralement par l’employeur, ce qui lui permet de s’exonérer de l’accord express de son collaborateur. Il devra toutefois veiller à ce lesdits objectifs soient réalistes et réalisables et que cette faculté de fixation unilatérale soit prévue contractuellement.

Selon la Cour de cassation, les objectifs d’un salarié peuvent être définis par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction (2) mais selon certaines conditions incontournables que la jurisprudence a précisées de façon constante.

Les objectifs fixés doivent être réalisables (3), à défaut il ne pourra être reproché au salarié de ne pas les avoir atteints (4).

Les salariés doivent également être en mesure de vérifier les modalités selon lesquelles la part variable de leur rémunération a été calculée. L’employeur est donc tenu de leur communiquer les éléments nécessaires à ce calcul.
Quand les primes sont fixées en fonction de la réalisation d’objectifs annuels, il a été jugé par la Cour de cassation que ceux-ci doivent être portés à la connaissance du salarié en début d’exercice (5) afin de permettre au salarié de connaître à l’avance les modalités de détermination de son salaire. L’employeur ne peut pas invoquer l’intérêt de l’entreprise pour s’y opposer (6).

De même, si les objectifs peuvent être fixés semestriellement, c’est à condition que le salarié les connaisse avant le début de chaque semestre.
Enfin, des objectifs définis dans une langue étrangère sont inopposables au salarié (7) sauf si une traduction en français est rapidement diffusée (8).

En effet, tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doit être rédigé en français (9).

• Communication des éléments de calcul de la part variable y compris ceux reposant sur des paramètres confidentiels

Comme exposé précédemment, le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération variable a été effectué conformément aux modalités prévues (10) et ce, y compris dans le cas d’un dispositif de rémunération variable selon un engagement unilatéral de l’employeur.

Dans les affaires ayant mené aux arrêts de la Cour de cassation du 27 septembre 2023, la Cour a jugé que tous les éléments composant la partie variable de la rémunération doivent donc nécessairement être portés à la connaissance des salariés, peu importe, que l’un des paramètres soit fondé sur des données confidentielles. Non seulement les objectifs doivent être communiqués au salarié en début d’exercice mais les données servant de base de calcul à rémunération variable doivent également être portées à sa connaissance.

En l’espèce, les salariés percevaient, en application d’un engagement unilatéral de l’employeur, un bonus annuel variable en fonction d’objectifs. Soutenant qu’ils n’avaient pas eu connaissance de ceux-ci, ni des modalités de fixation de l’un des éléments le composant – le BRM (business result multiplier) – et qu’ils avaient été, dès lors, dans l’incapacité de vérifier le calcul de leur rémunération variable, ils avaient saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement de soldes de bonus.

Pour les débouter de leurs demandes, le conseil de prud’hommes, avait estimé que l’employeur avait bien respecté ses obligations en matière de gestion du système de rémunération variable pour l’année considérée. S’il n’avait pas transmis le BRM, c’est parce que cet élément était une donnée discrétionnaire qu’il convenait de garder confidentielle compte tenu du secteur d’activité concurrentiel qui a des objectifs mondiaux.

La chambre sociale de la Cour de cassation a, en revanche, eu une appréciation contraire.
Pour accéder à la demande des salariés, elle rappelle un principe jurisprudentiel qui n’est pas nouveau (10) : lorsqu’elle est payée en vertu d’un engagement unilatéral, une prime constitue un élément de salaire et est obligatoire pour l’employeur dans les conditions fixées par cet engagement. Ces conditions, à savoir les objectifs et les données servant de base au calcul de la rémunération variable doivent être portées à la connaissance du salarié.

Un salarié ne saurait être débouté de ses demandes en paiement de soldes de bonus alors que le conseil de prud’hommes avait constaté que l’un des éléments composant la partie variable de la rémunération était fondé sur des données confidentielles, non portées à la connaissance du salarié en début d’exercice.

• Sanction inévitable du défaut de fixation d’objectifs : le règlement intégral de la rémunération variable

Lorsque la part variable de la rémunération prévue au contrat de travail dépend de la réalisation d’objectifs fixés unilatéralement par l’employeur et que celui-ci n’a ni déterminé les objectifs à réaliser ni fixé les modalités de calcul vérifiables de la part variable, celle-ci est intégralement due au salarié (11).

Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice. C’est alors à l’employeur à qui il appartient de rapporter la preuve de ce que les objectifs qu’il a fixés unilatéralement sont réalisables (12).

En matière de rémunération variable, la possibilité de vérification accordée au salarié est incontournable et ne souffre aucune exception, pas même lorsqu’il s’agit de l’intérêt de l’entreprise qui pourrait être lié au secret des affaires.

Au travers des décisions ci-dessus commentées, la Cour de cassation impose donc aux employeurs une totale transparence sur le calcul de la rémunération variable des salariés.

(1) Cass. soc. 27-9-2023 n° 22-13.082 F-D, Sté Alcatel Submarine Networks, Cass. soc. 27-9-2023 nos 22-13.083, 22-13.057.
(2) Cass. soc. 22-05-2001 n° 99-41.838.
(3) Cass. soc. 2-12-2003 n° 01-44.192.
(4) Cass. soc. 13-01-2009 n° 06-46.208.
(5) Cass. soc. 2-3-2011 n° 08-44.977 ; Cass. soc. 30-3-2011 n° 09-42.737.
(6) Cass. soc. 18-6-2008 n° 07-41.910.
(7) Cass. soc. 29-06-2011 n° 09-67.492.
(8) Cass. soc. 21-09-2017 n° 16-20.426.
(9) Article L. 1321-6 du Code du travail.
(10) Cass. soc. 24-9-2008 n° 07-40.717.
(11) Cass. soc. 10-7-2013 n° 12-17.921 ; Cass. soc. 25-11-2020 n° 19-17.246.
(12) Cass. soc. 15-11-2023 n° 22-11.442.

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