La pratique du « golden hello », bonus de bienvenue ou encore prime d’arrivée, consiste à verser à un salarié nouvellement engagé par une entreprise une certaine somme à l’occasion de la signature de son contrat de travail. Il est parfois prévu dans le contrat de travail que le salarié en remboursera une partie s’il démissionne dans un certain délai après son embauche. L’employeur prévoit ainsi des garanties de la collaboration dans la durée avec le salarié. Pour la Cour de cassation (1), une telle clause ne porte pas une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail.
S’inspirant des primes dites « golden hello » versées à des mandataires sociaux prenant leurs fonctions, la pratique a vu se développer le même type de primes pour attirer et fidéliser certains profils de salariés, à savoir des cadres supérieurs ou dirigeants ou encore des traders comme dans l’affaire qui a mené à l’arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 2023 (2). Ces primes sont en quelque sorte le pendant des « golden parachute » qui consistent dans le versement d’une indemnité d’un montant élevé en cas de licenciement.
• Un remboursement d’une prime de bienvenue par le salarié démissionnaire ne porte pas atteinte à la liberté du travail
Dans le cadre de l’affaire précédemment évoquée (3), le contrat de travail d’un trader contenait la clause suivante :
« le salarié percevra à titre de prime initiale, la somme brute de 150 000 € dont le paiement interviendra dans les 30 jours de l’entrée en fonction du salarié conformément aux termes du contrat de travail. Dans le cas où le salarié démissionne ou si le salarié est licencié pour faute grave ou lourde à la fin de la troisième année à compter de la date de commencement, le salarié pourra conserver 1/36ème de la prime d’arrivée pour chaque mois complet de travail après la date de commencement. Le solde de la prime initiale sera remboursable à la société à la date de la rupture ou au jour où la notification du licenciement est faite, à la plus proche des deux dates. »
Or, le salarié ayant démissionné 1 an et 2 mois après avoir été embauché, l’employeur lui a réclamé 79 166,67 € à titre de remboursement de la prime d’arrivée au prorata de son temps passé dans l’entreprise.
Le salarié s’y est refusé en arguant de la nullité de la clause qui, selon lui, portait atteinte à sa liberté de travailler.
L’employeur a saisi les juges afin qu’ils ordonnent au salarié de procéder au remboursement demandé. Le Conseil de prud’hommes a accueilli favorablement la demande de l’employeur, en revanche, la Cour d’Appel a jugé différemment et a débouté l’employeur.
Les juges d’appel ont en effet invalidé la clause (4). Selon eux, le fait de subordonner l’octroi définitif de la prime versée à la condition que le salarié ne démissionne pas, dans un certain délai après son versement, avait pour effet de fixer un coût à la démission. Pour la cour d’appel, il s’agissait là d’une atteinte à la liberté du travail.
L’employeur a alors saisi la Cour de cassation.
La Cour de cassation a validé la clause prévoyant le remboursement d’une partie de la prime d’arrivée en cas de démission précoce.
La Cour de cassation rappelle d’abord qu’une atteinte aux droits et libertés des salariés doit être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (5). Elle rappelle aussi qu’un contrat de travail doit être exécuté de bonne foi (6).
Elle a ainsi jugé qu’une clause inscrite dans le contrat de travail d’un salarié pour le fidéliser peut subordonner l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée à la condition qu’il soit présent dans l’entreprise pendant une certaine durée après son versement.
La Cour de cassation considère que les clauses conditionnant l’acquisition de l’intégralité d’une prime à une certaine durée de présence du salarié dans l’entreprise après son versement et prévoyant son remboursement partiel en cas de démission ne portent pas une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail.
La Cour de cassation souligne que la prime d’arrivée doit être indépendante de la rémunération de l’activité du salarié. Partant de là, elle admet que le salarié démissionnaire peut se voir imposer le remboursement de la prime au prorata du temps qu’il n’aura pas passé dans l’entreprise avant l’échéance prévue.
En effet, si au contraire cette prime constituait un élément de rémunération d’une période travaillée par le salarié, l’employeur ne pourrait légitimement subordonner son acquisition définitive à une condition de présence du salarié dans l’entreprise postérieurement à son versement (7).
• Un remboursement partiel de la prime de bienvenue est admis
Par ailleurs, c’est le remboursement partiel de la prime qui est approuvé par la Chambre sociale de la Cour de Cassation, en l’espèce.
La prime d’arrivée est versée la plupart du temps dès l’arrivée du salarié dans l’entreprise mais elle n’est acquise définitivement qu’après un certain temps de présence dans l’entreprise.
Il s’agit d’une prime qui n’est acquise qu’au prorata du temps passé par le salarié dans l’entreprise et dont le paiement est fait à titre d’avance.
De ce fait si la démission du salarié intervient avant le terme de la durée définie au contrat de travail pour l’acquisition définitive de la prime, le salarié est tenu de rembourser une partie de la prime à l’employeur et non sa totalité.
Il est possible que le remboursement intégral de celle-ci en cas de démission du salarié, puisqu’il reviendrait à octroyer un coût disproportionné à la démission, serait considéré comme étant une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail aux yeux de la Cour de cassation.
La Cour de cassation a donc jugé que les juges d’appel ont débouté à tort l’employeur de sa demande.
Si la Cour de cassation a eu l’opportunité de se prononcer sur l’acquisition des welcome bonus en cas de démission, elle n’a pas encore eu à statuer sur l’acquisition de la prime d’arrivée en cas de licenciement pour faute grave ou lourde du salarié.
• Welcome bonus et licenciement pour faute grave ou lourde
La question de la licéité de cette clause contractuelle en cas de licenciement pour faute grave ou lourde du salarié peut se poser. En effet, le remboursement de la prime pourrait s’analyser en une sanction pécuniaire interdite.
Au demeurant, quel que soit le motif de rupture du contrat de travail, afin d’éviter un éventuel litige lié à une demande de remboursement du trop-perçu par le salarié, une solution pour l’employeur peut être de négocier avec le futur salarié un versement échelonné de la prime de bienvenue pouvant être prévue durant la période de « rétention » fixée contractuellement.
(1) Cass. soc. 11 mai 2023, n° 21-25136 FSB.
(2) Cass. soc. 11 mai 2023, n° 21-25136 FSB.
(3) Cass. soc. 11 mai 2023, n° 21-25136 FSB.
(4) CA Paris 9 septembre 2021, n° 19/02239.
(5) Article L.1121-1 du Code du travail.
(6) Article L.1221-1 du Code du travail ; article 1104 du Code civil.
(7) Cass. Soc., 8 juill. 2020, n°18-21.945 et Cass. Soc., 29 sept. 2021, n°13-25.549.