Le temps consacré au travail est un sujet de préoccupation régulièrement appréhendé par le législateur. Depuis le début du 19e siècle, nombreuses sont les lois qui ont été adoptées afin de réguler le temps de travail. Une première tentative de mise en œuvre de la semaine de quatre jours, rémunérée comme une semaine de cinq jours, a vu le jour avec la loi Robien en 1996 (1). Elle a néanmoins été remplacée par la loi Aubry du 13 juin 1998 et le passage aux 35 heures. Plus de 25 ans plus tard, les débats autour de cette notion sont toujours aussi animés et, depuis la pandémie, particulièrement exacerbés. Notre équipe Droit Social fait le point sur le sujet.
Pour rappel, dès 1874, une loi (2) visant à limiter la durée du travail des femmes et des enfants était adoptée. En 1919, la journée de travail passait à huit heures, sans diminution de salaire (3). Le 21 juin 1936 (4), sous l’impulsion de Léon Blum, la durée hebdomadaire légale passait de 48 à 40 heures, entraînant de grands changements dans la vie des travailleurs.
C’est donc dans ce contexte que la loi Robien de 1996 adoptait la semaine de quatre jours (5). Cette loi proposait de réduire le temps de travail à 32 heures et permettait aux entreprises de bénéficier d’un allègement des cotisations patronales de sécurité sociale en contrepartie d’une embauche d’au moins 10 % de salariés en CDI. Elle a finalement été remplacée par la loi Aubry du 13 juin 1998 et le passage aux 35 heures.
• La semaine de quatre jours, un dispositif innovant
Pour comprendre ce que signifie la « semaine de quatre jours », il est nécessaire dans un premier temps d’appréhender la notion de « temps de travail ». Le temps de travail est défini selon une directive européenne (6) comme « toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ».
En France, le code du travail dispose que la durée légale du travail est fixée à 35 heures, que le nombre de jour de travail est de cinq jours par semaine, que la durée maximale hebdomadaire est de 48 heures et que la durée journalière maximale est de 10 heures.
La semaine de quatre jours consisterait donc à travailler quatre jours au lieu de cinq jours et permettrait au salarié de bénéficier de trois jours de repos par semaine. Diverses modalités existent quant à la mise en œuvre d’un tel système. La mise en place de ce dispositif n’implique pas nécessairement une réduction du temps de travail. Il peut s’agir de répartir les 35 heures prévues par le contrat sur quatre jours en augmentant la durée quotidienne de travail. L’autre alternative consiste à réduire le nombre d’heure de travail hebdomadaire et passer à une semaine de 32 heures au lieu de 35 heures sans diminuer pour autant les salaires. Quel que soit le mode de fonctionnement choisi, les entreprises devront respecter les durées maximales journalières et hebdomadaires actuellement prévues par le code du travail.
• La semaine de quatre jours, un dispositif qui a déjà séduit de nombreux pays
La réduction du nombre de jours au travail séduit de plus en plus de pays à travers le monde.
La Belgique a adopté, le 3 octobre dernier, une loi dans laquelle elle propose une adaptation des horaires de travail à la demande du salarié. Parmi les mesures prévues, il est indiqué que « Le règlement de travail, peut autoriser que la limite quotidienne de la durée du travail d’un travailleur à temps plein soit portée à 9 heures et demie s’il effectue ses prestations normales à temps plein durant quatre jours par semaine. » Il convient néanmoins de soulever que le travailleur qui, en application du présent article, effectue ses prestations normales à temps plein durant quatre jours par semaine ne pourra effectuer des heures supplémentaires volontaires les autres jours de la semaine.
Si le dispositif a d’ores et déjà été adopté par la Belgique, nombreux sont les pays qui se lancent dans l’expérimentation de la semaine de quatre jours. A la suite de la pandémie de Covid, le Royaume-Uni a instauré une expérimentation à grande échelle où plus de 3000 employés, issus de 60 entreprises aux activités distinctes, n’ont travaillé que quatre jours dans la semaine et ce, pour une durée de six mois. L’expérimentation a été concluante car une centaine d’entreprises ont décidé de rendre permanente la semaine de quatre jours sans perte de salaire pour les collaborateurs.
Dans la même lignée, le Portugal a mis en place une phase de test qui devrait débuter en juin 2023 pour six mois également dans le secteur privé.
Alors que cette mesure tend à se développer dans de nombreux pays, la question se pose de savoir si elle a vocation à être adoptée en France.
• La semaine de quatre jours, un dispositif aux nombreux atouts
Les différentes études réalisées par Microsoft au Japon ou par Perpetual Guardian, une entreprise en Nouvelle-Zélande, ont prouvé que les travailleurs ayant testé la semaine de quatre jours augmentent leur productivité en raison d’une plus grande concentration. L’entreprise Microsoft estime l’augmentation de sa productivité à 40 %. Le jour de repos supplémentaire permet d’assurer à la fois une réduction du stress et de la fatigue, et permet en même temps un meilleur équilibre vie professionnelle/vie personnelle. Un temps de travail plus court serait également propice à la priorisation des tâches, des missions et donc à une meilleure organisation au sein de l’entreprise.
Aussi, la semaine de quatre jours semble être bénéfique autant à l’employeur qu’au salarié, et certaines entreprises françaises l’ont bien compris, à l’instar de Welcome to the Jungle ou Love Radius, qui ont déjà adopté ce dispositif au sein de leurs structures.
(1) Loi n°96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l’emploi par l’aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail.
(2) Loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et des filles mineures employés dans l’industrie.
(3) Loi du 23 avril 1919 sur la journée de travail de huit heures.
(4) Loi du 21 juin 1936 instituant la semaine de quarante heures.
(5) Loi n°96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l’emploi par l’aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail.
(6) Directive 2003/88 sur l’aménagement du temps de travail.