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Droit du salarié à réparation pour l'utilisation de son image par son employeur sans son consentement

Le droit à l’image du salarié est une composante essentielle de ses droits fondamentaux en matière de vie privée et de respect de sa personne. Ce droit est protégé par l’article 9 du code civil.

En application de l’article L.1221-1 du code du travail, le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre, sous l’autorité de laquelle elle se place moyennant rémunération.

Le lien de subordination d’un salarié à son employeur, inhérent à son contrat de travail, permet-il à ce dernier d’utiliser l’image du salarié sans son consentement ?

Bien que le lien de subordination accorde à l’employeur un certain contrôle sur le salarié, la limite de celui-ci est le respect du droit à la vie privée du salarié. Dans un arrêt récent du 14 février dernier, la Cour de cassation a clarifié un aspect important des droits des salariés en matière d’utilisation de leur image (1)

1. Les faits et la procédure

En l’espèce, l’employeur d’une société spécialisée dans les moyens de paiement avait diffusé, auprès de ses clients, à l’occasion de deux campagnes publicitaires, une plaquette de présentation des conseillers art de vivre en charge du traitement des demandes clients arrivant par courriel, comportant une photographie du visage et une du buste de chaque employé et des photographies collectives de ces derniers et ce, sans leur consentement.

La Cour d’appel de Versailles a débouté le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour utilisation abusive de son droit à l’image aux motifs qu’il ne produisait aucune pièce utile à l’appui de sa prétention, notamment pas le document critiqué, et ne mettait donc pas la Cour en mesure d’apprécier la réalité de l’atteinte invoquée.

La Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel au motif que l’employeur ne contestait pas avoir utilisé l’image du salarié pour réaliser une plaquette adressée aux clients, que le salarié faisait valoir dans ses écritures qu’il n’avait pas donné son accord à cette utilisation et que la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image ouvrait droit à réparation.

2. Les apports de l’arrêt

A travers sa décision, la Cour de cassation consolide le principe selon lequel tout individu, y compris les salariés, a le droit fondamental de contrôler l’utilisation de son image. Cette décision s’inscrit dans la lignée des dispositions légales et jurisprudentielles qui reconnaissent et protègent les droits à la vie privée et à l’image des individus.

S’il est certain que le droit à l’image est protégé par l’article 9 du code civil lequel dispose que « chacun a le droit au respect de sa vie privée et de son image », la Cour de cassation en rendant cet arrêt, affirme que la subordination inhérente au contrat de travail ne saurait diminuer les droits à la vie privée et à l’image dont dispose chaque individu.

Le seul fait qu’un salarié ait accepté d’être pris en photo ne vaut pas acceptation à ce que l’image soit utilisée par son employeur en interne ou à des fins promotionnelles.

Le deuxième apport de cet arrêt est procédural : le salarié ne rapporte pas la preuve de l’utilisation de son image, mais la Cour considère que la constatation de l’atteinte au droit à l’image résulte du propre aveu de la Société.

3. Les critiques de l’arrêt

Malgré ses mérites, cet arrêt suscite certaines critiques concernant les aspects de son application et de ses implications.

En effet, l’arrêt aurait pu être plus précis en définissant des critères spécifiques pour évaluer le préjudice subi par le salarié, notamment en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts.  D’un côté le salarié n’apporte pas la preuve d’un préjudice, d’un autre côté, il faut le chiffrer et en identifier l’étendue, les juges du fond disposant d’un pouvoir souverain d’appréciation du montant à accorder au salarié (2).

En outre, l’arrêt ne fournit pas de lignes directrices claires sur la question du consentement et sur la manière dont il doit être obtenu dans le contexte de la relation de travail, ce qui pourrait entrainer des litiges supplémentaires entre les parties. La formalisation d’un accord écrit, précisant la durée de l’utilisation, le type de support, la finalité de l’usage et l’éventuelle rémunération, apparaît être une clause indispensable à insérer dans un contrat de travail, ou dans un avenant, si l’employeur souhaite utiliser l’image de ses salariés…

(1) Cass. 14 fevr 2024, n° 22-18.014.
(2) Civ. 1re, 21 févr. 2006, n° 03-19.994.

 

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