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Droit de la Propriété Intellectuelle | Noms de créateurs et noms de marques, la vigilance est de mise

La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 12 octobre 2022, rappelle les conditions délicates dans lesquelles une marque constituée d’un nom patronymique connu doit être exploitée, et le risque – réel – pour l’acquéreur, de perdre le droit d’exploiter ladite marque pourtant régulièrement acquise.
Notre équipe Propriété Intellectuelle fait le point sur l’affaire Castelbajac, et sur la vigilance indispensable à avoir pour exploiter des marques acquises régulièrement et reprenant des noms patronymiques connus.

Le travail et l’identité visuelle de Jean-Charles de Castelbajac sont clairement identifiables et identifiés par le public.

Ils se distinguent par l’usage spécifique de couleurs, un graphisme et un tracé de crayon reconnaissables entre tous.

Aussi, ont-ils acquis une grande renommée depuis le lancement de la maison de mode éponyme en 1978.

Dans le secteur de la mode, les noms patronymiques des Créateurs sont très souvent utilisés à titre de marques, à l’instar des maisons Christian Dior, Yves Saint-Laurent ou encore Jean-Paul Gaultier.

Pour ces marques, le Créateur et sa vision sont imbriqués. Le consommateur les lie sans équivoque.

Or, les maisons de mode, peuvent faire l’objet de cessions, comme toute entreprise, susceptibles d’entraîner le départ du Créateur dont le nom est également la marque sous laquelle sont commercialisés les produits.

La poursuite pérenne de l’activité de la Société concernée est conditionnée par l’exploitation loyale et sincère du signe distinctif sous lequel elle est connue.

La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 12 octobre 2022, rappelle les conditions délicates dans lesquelles une marque constituée d’un nom patronymique connu doit être exploitée, et le risque – réel – pour l’acquéreur, de perdre le droit d’exploiter ladite marque pourtant régulièrement acquise.

En l’espèce, en substance,
Les marques JC DE CASTELBAJAC et JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC ont été acquises par la Société X, dans le cadre de la liquidation de la Société Y qui en était titulaire. Un contrat de collaboration a été conclu avec Monsieur De Castelbajac, aux termes duquel lui était confiée, notamment, la direction artistique de la Société X.

A l’issue dudit contrat, les relations entre les parties se sont dégradées.

Parmi les motifs de mécontentement, figurait la question de l’usage des marques « JC DE CASTELBAJAC » et « JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC », usage qui était réalisé par la société X de façon trompeuse.

L’article L.714-6 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que :

« Encourt la déchéance de ses droits le titulaire d’une marque devenue de son fait :
a) La désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service ;
b) Propre à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. »

La CJUE a déjà précisé à cet égard que le seul fait que « le titulaire d’une marque correspondant au nom du créateur et premier fabricant des produits portant cette marque ne peut, en raison de cette seule particularité, être déchu de ses droits au motif que ladite marque induirait le public en erreur ».

Ainsi,
Le départ du Créateur de la maison de mode ne peut être, à lui seul un motif suffisant, à rendre la marque éponyme trompeuse et à établir la déchéance des droits du nouveau titulaire de la marque.

Par son arrêt du 12 octobre dernier, la Cour a toutefois précisé que cette position n’empêchait pas le Créateur de pouvoir démontrer que l’exploitation de la marque était dolosive et d’en solliciter la déchéance sur le fondement de l’article L.714-6b) du CPI.

Dans cette affaire,
Monsieur De Castelbajac demandait à la juridiction de prononcer la déchéance des marques litigieuses au motif que : l’usage par la société X des marques constituées de son patronyme était « de nature à persuader le consommateur que les produits qu’il acquiert sous ces marques ou signes ont été conçus sous la direction artistique de Monsieur De Castelbajac alors que cela n’(était plus) pas le cas ».

Il était reproché à la Société X. d’avoir accompagné ces marques de dessins, motifs, couleurs emblématiques de l’univers de Monsieur De Castelbajac et de mentions manuscrites identiques à l’écriture du Créateur, suggérant ainsi que ce dernier en était l’auteur et d’avoir exploité les marques litigieuses dans le cadre de collaborations avec des marques tierces, d’avoir organisé une campagne promotionnelle célébrant les 50 ans du travail de Monsieur De Castelbajac faisant ainsi accroire à la poursuite d’une collaboration avec celui-ci.

Ces éléments ont conduit la Cour à prononcer la déchéance des marques « JC DE CASTELBAJAC » et « JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC » – pour les produits en rapport avec les faits litigieux exposés, soit les « produits cosmétiques et de beauté » et les « vêtements », en ce qu’elles étaient de nature à induire le public en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique des produits commercialisés par la Société X.

Par son arrêt du 22 octobre 2022, elle a en effet considéré que :

« (…) les éléments qui viennent d’être exposés (…) caractérisent l’usage trompeur que la Société a fait à plusieurs reprises (…) des marques « JC DE CASTELBAJAC » et « JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC » en associant ces marques, (…) à des agissements visant à faire croire au consommateur que certains produits qu’il acquiert, revêtus de ces marques ont été conçus par ou sous la direction de Monsieur De Castelbajac alors que cette conception ne s’inscrit plus dans le cadre de la collaboration qui a unis de juillet 2011 à la fin l’année 2015, la société et le créateur ».

Bien que cette décision puisse décourager un repreneur d’acquérir une Société dont la marque est un nom patronymique, sa portée doit être relativisée.

En effet, la Cour a veillé à prendre en considération les faits particuliers commis par la Société en cause, qui induisait le consommateur en erreur en le laissant accroire à une collaboration avec le créateur.

Rédigées précisément et posant clairement les conditions d’usage des marques cédées, les clauses contractuelles doivent permettre d’anticiper et d’éviter de telle situation litigieuse.

Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 1, 12 octobre 2022, n°156/2022.
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Photo par Clem Onojeghuo sur Unsplash
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