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Droit Social | Licenciement : Facebook utile à l'employeur

« Le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi »

En matière prud’homale, la preuve est libre et peut être rapportée par tous moyens sous réserve notamment du respect de la vie personnelle du salarié.

En effet, il est un principe fondamental selon lequel l’employeur ne peut librement accéder aux dossiers, documents ou courriels identifiés comme « personnels » enregistrés sur l’ordinateur professionnel de ses salariés, au titre du secret des correspondances (1).

Pour autant, pour la première fois, la Cour de cassation a rendu un arrêt (2) sur la question de l’utilisation par l’employeur d’éléments publiés sur le compte privé Facebook d’une salariée, afin de la licencier pour faute grave.

En l’espèce, une salariée, engagée en qualité de chef de projet par une célèbre société de prêt à porter pour enfants, a été licenciée pour faute grave pour avoir publié sur son compte Facebook une photo de la nouvelle collection. Cette nouvelle collection devait impérativement rester confidentielle et était destinée uniquement aux commerciaux de la société. Selon la société, la salariée avait manqué à son obligation contractuelle de confidentialité.

Par cette publication, ses « amis » Facebook parmi lesquels figuraient des professionnels susceptibles de travailler pour des concurrents ont pu prendre connaissance de cette photo. Informée de cette publication par un collaborateur de la salariée en cause, la société l’a licenciée pour faute grave.

Considérant que la société n’avait aucun droit d’accès aux informations extraites de son compte privé Facebook sans y être préalablement autorisée, la salariée a contesté son licenciement. Selon elle :

D’une part, la preuve issue de publications figurant sur son compte privé Facebook, rapportée par l’intermédiaire d’un collaborateur de l’entreprise autorisé à y accéder, était irrecevable ;
D’autre part, l’employeur ne peut porter une atteinte disproportionnée et déloyale au droit au respect de la vie privée d’un salarié ; dès lors, il ne pourrait s’immiscer abusivement dans ses publications sur les réseaux sociaux.

En vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, la Haute juridiction condamnait habituellement l’employeur pour avoir eu recours à un stratagème pour recueillir une preuve et jugeait ainsi que le comportement du (de la) salarié(e) dénoncé ne constituait pas une faute grave, ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement (3).

Mais, le 30 septembre 2020 (4), la Cour de cassation est revenue sur sa jurisprudence antérieure (5) en confirmant le raisonnement de la Cour d’appel laquelle, en constatant que la publication litigieuse avait été spontanément communiquée à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder comme « amie » sur le compte privé Facebook de la requérante, en a déduit que « ce procédé d’obtention de preuve n’était pas déloyal ».

C’est sur le fondement des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile que, la Cour de cassation a jugé que, pour établir la réalité des faits fautifs dans le cadre d’un licenciement disciplinaire, un employeur peut produire en justice des éléments du salarié qui porteraient atteinte à sa vie privée uniquement si :

– cette production est indispensable à l’exercice du droit à la preuve,
– cette production est proportionnée au but poursuivi, c’est-à-dire la défense de son intérêt légitime à la confidentialité de ses affaires.

Par cet arrêt, la Cour de cassation marque, incontestablement, une évolution de sa jurisprudence.

(1) Cass. soc., 26 janvier 2016, n°14-15.360.
(2) Cass. soc., 30 sept. 2020, n° 19-12.058, FS-P+B+R+I.
(3) Cass. soc., 12 septembre 2018, nº 16-11.690 FS-PB : les propos d’une salariée sur son compte Facebook accessibles à un groupe fermé composé de quatorze personnes, de sorte qu’ils relevaient d’une conversation de nature privée, ne caractérisait pas une faute grave ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement.
(4) Cass. soc., 30 sept. 2020 précité.
(5) Voir également Cass. soc., 20 décembre 2017, nº 16-19.609 : des informations extraites d’un compte Facebook du salarié, obtenues à partir d’un téléphone portable d’un autre salarié, constituent des informations réservées aux personnes autorisées et l’employeur ne peut y accéder sans porter une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée de l’intéressé.

Photo par Kon Karampelas sur Unsplash
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