Le Conseil d’État confirme l’impossibilité pour une société de reporter sur ses exercices bénéficiaires ultérieurs les crédits d’impôts étrangers non imputés du fait d’une situation déficitaire.
La décision du Conseil d’État du 8 mars 2023 (CE, 8 mars 2023, n°456349), vient compléter le régime fiscal spécifique applicable aux sociétés déficitaires percevant des revenus de source étrangère. Il précise ainsi qu’aucune base conventionnelle n’autorise le report en avant des crédits d’impôts non encore imputés en raison d’une situation déficitaire. En effet, il avait déjà jugé que le droit interne ne permet pas le report en avant de ce crédit d’impôt (CE, 26 juin 2017 n° 406437), ce qui avait été validé par le Conseil Constitutionnel (CC, 28 septembre 2017 n° 2017-654 QPC).
Au cas d’espèce, la société Natixis, mère d’un groupe fiscalement intégré, a perçu, avec ses filiales, des revenus de source étrangère qui ont ouvert droit à des crédits d’impôt au titre des exercices clos entre 2008 et 2011. Le caractère déficitaire du groupe fiscal avait empêché l’imputation de ces crédits d’impôt pendant ces exercices. Le groupe fiscal étant redevenu bénéficiaire en 2012, Natixis a formé une réclamation tendant à obtenir la restitution d’une partie de l’impôt sur les sociétés acquitté au titre de l’exercice 2012 en raison de l’imputation des crédits d’impôt afférents aux revenus perçus entre 2008 et 2011.
L’article 220 du Code Général des Impôts (CGI) permet la suppression de la double imposition relative aux revenus mobiliers de source étrangère perçus par une entreprise française, par l’octroi d’un crédit d’impôt conventionnel à raison de l’impôt prélevé à la source dans l’État étranger. Lorsque le résultat d’une société française est déficitaire, les produits perçus au cours de cet exercice déficitaire, s’ils réduisent le déficit fiscal reportable en avance, ne génèrent pas d’impôt. Le crédit d’impôt relatif à l’impôt payé à l’étranger ne peut donc pas être imputé.
Par le biais de sa décision du 8 mars dernier, le Conseil d’État explique que le silence des conventions fiscales sur ce sujet ne permet pas de soutenir qu’implicitement elles autorisent le report en avant des crédits d’impôt. En effet, et cela constitue l’un des apports majeurs de la décision, le Conseil d’État profite de sa décision pour définir la notion de double imposition juridique comme étant celle générant une double imposition effective, c’est-à-dire un double paiement de l’impôt pour des revenus portant sur une même période. Le fait que les revenus étrangers viennent réduire l’assiette du résultat de la société française et donc réduire son déficit reportable, ne constitue pas une double imposition même si la situation de la société déficitaire est dégradée.
Ainsi, en l’absence d’une double imposition lors d’une même période le crédit d’impôt de nature conventionnelle n’a pas d’objet et ne peut donc pas être reporté en avant (contrairement aux crédits d’impôts de droit interne qui ont pour vocation de subventionner un secteur d’activité particulier tel que décidé par le législateur).
* * *
Pour toute question concernant la fiscalité internationale, contactez notre équipe Philippe Schmidt et Raphaël Desmazières.