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Droit des sociétés | Fusion-absorption : une société absorbante peut être pénalement condamnée pour des faits commis par la société absorbée avant la fusion

Jusqu’à présent, dans le cadre d’une opération de fusion-absorption, la responsabilité pénale de la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée avait toujours été écartée sur la base du principe de personnalité des peines prévu par l’article 121-1 du Code pénal qui établit que nul n’est responsable pénalement que de son propre fait.

Sur cette base, la jurisprudence considérait que la fusion, qui entraîne la dissolution de la société absorbée, faisait perdre à cette dernière sa personnalité juridique et entraînait ainsi l’extinction de l’action publique. En conséquence, la société absorbante, personne morale distincte, ne pouvait pas être poursuivie pénalement pour des faits commis par la société absorbée.

Dans un arrêt du 25 novembre 2020 (n° 18-86.955), la chambre criminelle de la Cour de cassation opère un revirement jurisprudentiel marquant, en considérant que la société absorbante peut-être, à certaines conditions, condamnée pénalement pour une infraction commise par la société absorbée avant la fusion.

Transfert de responsabilité fondé sur l’interprétation de la directive européenne « fusion »

L’approche française adoptée jusqu’à ce revirement assimilait la dissolution d’une personne morale au décès d’une personne physique sans tenir compte, ni de la spécificité du statut de personne morale, ni de la continuité économique qui caractérise toute opération de fusion-absorption.

La Cour de justice de l’Union européenne avait déjà interprété la « directive fusion » (Directive 78/855/CEE) pour décider qu’une fusion entraîne la transmission à la société absorbante de l’obligation de payer une amende infligée après la fusion pour des infractions commises par la société absorbée avant cette opération (CJUE 5-3-2015 aff. 343/12).

Cette nouvelle jurisprudence française répond à la nécessité d’interpréter le droit interne conformément au droit européen et d’apporter une meilleure protection aux tiers qui, à la date de la fusion, ne sont pas encore qualifiés de créanciers de l’absorbée.

Ce transfert de responsabilité pénale de l’absorbée à l’absorbante ne pourra toutefois s’opérer que si les conditions suivantes sont respectées :

– les sociétés participant à l’opération sont des sociétés anonymes, des sociétés par actions simplifiées ou des sociétés en commandite par actions ;
– la fusion a entraîné la dissolution de la société absorbée, ce qui intervient, à l’égard des tiers, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l’opération ;
– la peine est susceptible d’être prononcée à l’encontre de l’absorbante, soit une peine de nature patrimoniale telle qu’une amende ou une confiscation de bien.

Cette nouvelle solution s’applique uniquement aux opérations de fusion conclues après le prononcé de l’arrêt, soit le 25 novembre 2020.

Transfert de responsabilité fondé sur la fraude

La chambre criminelle précise également que si l’opération de fusion-absorption a été frauduleuse, c’est à dire si elle a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale, la société absorbante pourra être sanctionnée quel que soit la forme des sociétés participant à l’opération et il sera également possible de prononcer à son encontre toute sanction applicable à une personne morale, même non patrimoniale, telle que la dissolution ou l’interdiction d’exercer une activité.

De plus, en cas de fraude, il sera possible de condamner la société absorbante même pour une fusion intervenue avant le 25 novembre 2020.

Pour plus d’informations sur les conséquences de cette nouvelle jurisprudence et notamment pour toute assistance dans la mise en place des moyens de protection des intérêts des associés et des créanciers de la société absorbante ou absorbée, contactez notre équipe corporate.

Photo par François Genon sur Unsplash
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