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Aux termes d’une décision récente, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (8 décembre 2022, RG n°19/11225) rappelle que le droit moral de l’auteur d’une œuvre apposée sur un immeuble peut trouver une limite.

En l’espèce,
Deux artistes ont été missionnés, en 1997, par la commune de Saint-Georges-d’Orques (Hérault) afin de réaliser une fresque murale pour décorer l’amphithéâtre municipal.

En 2014, afin de préserver la sécurité publique, la commune a dû détruire l’amphithéâtre, en ce compris le mur qui abritait la fresque.

L’un des co-auteurs de la fresque a assigné la commune en réparation de l’atteinte portée à son droit moral du fait de la destruction de l’amphithéâtre et de sa fresque qui en faisait partie intégrante.

Pour mémoire, le droit moral de l’auteur (article L.1221-1 et suiv. du Code de propriété intellectuelle) est composé de plusieurs prérogatives :

– Le droit de divulgation,
Seul l’auteur peut décider de la première communication de son œuvre au public ou, a contrario, de ne pas la communiquer au public et de la conserver dans sa sphère privée.
Ce droit s’épuise néanmoins à compter de la première divulgation de l’œuvre afin de garantir ses potentiels exploitants contre l’opposition de ce droit par l’auteur une fois l’exploitation entamée.

– Le droit de retrait et de repentir,
Permet à l’auteur, ayant préalablement cédé ses droits d’exploitation sur l’œuvre – et non sur la propriété matérielle de l’objet – de retirer son œuvre de la circulation ou de la modifier.
Ce droit est toutefois limité à l’indemnisation préalable du cessionnaire des droits patrimoniaux sur l’œuvre par l’auteur.

– Le droit au respect de son nom, de sa qualité d’auteur et de son œuvre,
L’auteur a le droit d’exiger que son nom ou pseudonyme soit affilié, ou non, à l’œuvre.
Ce droit lui permet également d’exiger que son œuvre soit communiquée au public exactement comme il le souhaite. Il peut ainsi s’opposer à toute altération quelle qu’elle soit de l’œuvre (matérielle, moyen de communication au public, contexte de présentation au public…).
Ce droit lui permet d’assurer l’intégrité de son œuvre, qu’elle ne soit pas dénaturée et que son esprit soit préservé.

Le droit moral est par principe imprescriptible et inaliénable. Il est attaché à l’œuvre, il appartient à l’auteur, puis à ses ayants droits, indépendamment de la propriété même de l’objet matériel.

La décision récente de la Cour d’appel d’Aix en Provence rappelle néanmoins que dans certains cas, lorsque l’œuvre est un immeuble ou intégrée à un bien immobilier – telle la fresque sur un mur – ce droit peut subir quelques aménagements.

Ce droit peut trouver en effet une limite lorsqu’il est confronté aux droits du propriétaire du bien immobilier.

Ainsi la Cour d’appel d’Aix-en-Provence n’a pas fait droit aux demandes de l’auteur au motif la destruction de l’amphithéâtre abritant l’œuvre était dictée par un souci de sécurité publique,

– que la destruction de la fresque en constituait une conséquence inévitable et,
– qu’elle était prévisible pour l’artiste.

Elle a jugé que la destruction ne pouvait être considérée comme fautive et donner lieu à l’octroi de dommages-intérêts.

Dans ce type d’affaires, le juge met en balance les intérêts en présence ;

– le droit moral de l’auteur,
– le droit de propriété du propriétaire du bien sur lequel est apposé l’œuvre ou l’immeuble lorsque le sujet est une œuvre architecturale.

Le juge est tenu par le cas d’espèce et doit déterminer la légitimité et la proportionnalité de l’atteinte au droit moral de l’auteur dont l’œuvre a un caractère utilitaire, et ce tant lorsque l’œuvre est un immeuble que lorsque l’œuvre est intégrée à l’immeuble.

Considérant ce caractère utilitaire, le juge rappelle, régulièrement, concernant les œuvres architecturales, que l’architecte ne peut prétendre imposer une intangibilité absolue de l’œuvre ; un immeuble vieillit et nécessite des rénovations qui peuvent impliquer l’altération de sa forme.

Aussi, comme en a décidé par Cour d’appel d’Aix en Provence, l’auteur peut se voir débouté de ses demandes si le juge considère que l’altération de l’œuvre par son propriétaire est justifiée et proportionnée.

Ce n’est que dans l’hypothèse d’une atteinte non-justifiée et/ou disproportionnée que l’auteur pourra être indemnisé.

Le juge prend, notamment, en considération :

– la durée d’exposition au public de l’œuvre ;
– la nature de l’altération ;
La simple action de repeindre les portes d’un cinéma a donné lieu à une indemnisation de 5.000€ de l’auteur au titre de l’atteinte à son droit moral.
Il faut toutefois noter que cette altération n’était justifiée par aucun motif (Cour d’appel, Rennes, 1re chambre, 2 mars 2021 – n° 19/01348).
– le motif invoqué par le propriétaire ;
Ce dernier doit permettre au propriétaire de justifier que l’altération de l’œuvre est indispensable à l’usage conforme à la destination de l’immeuble (ie. habitation, location de bureaux).

Sont considérés comme des motifs impérieux :

– la sécurité publique, comme en l’espèce, dès lors que l’amphithéâtre ne répondait pas aux normes de sécurité, sa destruction était imposée.
– l’intérêt général,
– des considérations d’ordre environnemental,
– la santé publique,
– l’hygiène publique.

 

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Notre équipe reste à votre disposition pour vous accompagner et vous conseiller au mieux de vos intérêts, pour tout projet visant à l’altération d’un bien immobilier dont vous êtes propriétaire, mais également pour toute réclamation en qualité d’artiste visant au respect de vos droits d’auteur.

Photo par Tamás Szabó sur Unsplash
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