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Droit de la Propriété Intellectuelle | Futura c/ The North Face : Quand le droit d'auteur s'oppose au droit des marques

Le 1er juillet dernier, The North Face annonçait sur son site Internet le retrait progressif du logo de sa collection « Futurelight ».

Cette décision intervient après que l’artiste Futura ai formé une action à son encontre, pour contrefaçon de ses droits d’auteur.

Cette affaire est une illustration parfaite d’un conflit fréquent entre le droit des marques et le droit d’auteur.

Retour sur les faits de l’espèce

En octobre 2019, The North Face dévoilait au public le lancement d’une nouvelle gamme de vêtements avec une technologie dite de « nano spinning » assurant à la fois la respiration des produits et leur imperméabilité, sous le signe suivant :

Droit de la Propriété Intellectuelle | Futura c/ The North Face : Quand le droit d'auteur s'oppose au droit des marques

Le graffeur américain Futura, de son vrai nom Leonard McGurr, assigna la marque californienne pour contrefaçon de ses droits d’auteur en janvier 2021. En effet, selon lui, le nouveau logo de The North Face reproduisait son graffiti phare en forme d’atome, disséminé et repris dans plusieurs de ses œuvres, telle que :

Droit de la Propriété Intellectuelle | Futura c/ The North Face : Quand le droit d'auteur s'oppose au droit des marques

En avril 2021, The North Face formulait une demande de non-lieu, au motif que les faits litigieux résultaient d’une coïncidence de créations indépendantes, son équipe de conception interne s’étant inspirée de la forme de leur tente géodésique :

Droit de la Propriété Intellectuelle | Futura c/ The North Face : Quand le droit d'auteur s'oppose au droit des marques

Mais également selon les inspirations ci-dessous :

Droit de la Propriété Intellectuelle | Futura c/ The North Face : Quand le droit d'auteur s'oppose au droit des marques
(source : The North Face Will Discontinue Its Futurelight Logo After Futura Backlash | Complex)

Après échanges de communiqués dans les media, The North Face a, sans reconnaître les faits de contrefaçon invoqués à son encontre et soutenant l’indépendance de création de son logo litigieux Droit de la Propriété Intellectuelle | Futura c/ The North Face : Quand le droit d'auteur s'oppose au droit des marques, décidé de cesser d’exploiter celui-ci pour désigner sa gamme « Futurelight ».

L’affaire – au contentieux – est en cours.
Bien que les juges ne se soient pas encore prononcés, cette affaire pose une question de droit récurrente en matière de propriété intellectuelle : l’articulation entre le droit d’auteur et le droit des marques.

Droit des marques ou droit d’auteur ?

Le logo d’une marque bénéficie d’une double protection : le droit d’auteur sur le dessin et le droit des marques, après le dépôt de celui-ci auprès de l’Office compétent.

Cependant, en raison de la création antérieure intrinsèque du logo à son dépôt en qualité de marque, le droit d’auteur primera systématiquement sur le droit des marques déposées postérieurement.

Ce raisonnement est également applicable au dépôt – et à l’enregistrement – d’un logo à titre de marque, qui présenterait des ressemblances avec une création antérieure.

En effet, le dépôt d’une marque – et l’enregistrement de celle-ci par l’Office saisi – ne garantit pas que la marque ne porte pas atteinte à des droits d’auteur préexistants. Il s’agit de protections indépendantes mais non pas imperméables.

En France,
Des droits d’auteur antérieurs peuvent ainsi être opposés à des marques déposées ultérieurement, par application de l’article L.711-3 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose : que « ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment : (…) 6° Des droits d’auteur ».

Dans l’affaire The North Face/Futura, l’antériorité du motif de Futura – et le souhait probablement de ne pas voir son image trop entachée par cette affaire – a fini par convaincre la Société The North Face de retirer son logo. Ce retrait intervient sans même avoir attendu de savoir, d’une part, si le logo revendiqué par Futura était original, et d’autre part, si son propre logo Droit de la Propriété Intellectuelle | Futura c/ The North Face : Quand le droit d'auteur s'oppose au droit des marques serait – ou non – jugé comme étant une contrefaçon.

En effet, il ne suffit pas de revendiquer des droits d’auteur sur une création, encore est-il nécessaire de prouver le caractère original de l’œuvre revendiquée puis la contrefaçon de l’originalité revendiquée.

Toute création ne bénéficie pas de la protection par le droit d’auteur. Encore faut-il qu’elle soit originale

Pour bénéficier de la protection par le droit d’auteur, toute création, œuvre de l’esprit, doit être originale. Par originalité, il faut entendre empreinte de la personnalité de son auteur.

En l’espèce, l’artiste new yorkais oppose son motif, connu, d’atome au logo de The North Face. Les logos présentent des ressemblances.
Et pour cause, certains diront, tous deux sont des représentations d’atome stylisé.

Mais le logo litigieux reprenait-il l’empreinte de la personnalité de Futura ? Quels sont les éléments du graffiti de Futura qui permettent de le distinguer d’une autre reproduction de la physionomie d’un atome ? Ces caractéristiques, une fois déterminées, ont-elles été reproduites par le logo de The North Face ?

Le contexte médiatique semble avoir primé sur l’appréciation juridique du critère d’originalité de l’œuvre et de la caractérisation des faits de contrefaçon.

Existence d’une collaboration antérieure : aux origines

Dans les années 2000, Futura et The North Face ont collaboré dans l’élaboration d’une collection de vêtements.

Une vingtaine d’années plus tard, The North Face lançait une nouvelle collection, indépendamment de Futura, sous le nom « Futurelight » et désignée sous le logo d’un atome stylisé.

De ce fait, le nom de la nouvelle collection pouvait remémorer le nom de Futura et l’atome stylisé pouvait quant à lui évoquer l’atome stylisé de ce même Futura.

Ces deux éléments de ressemblances – à tout le moins de rapprochement – ont conduit Futura à considérer qu’il y avait risque d’association entre la nouvelle collection Future Light de The North Face, et lui-même.

En effet, il a considéré que le consommateur pourrait légitimement penser que la nouvelle collection Future Light de The North Face était le fruit d’une nouvelle collaboration avec The North Face, en raison des ressemblances visuelles et des consonances proches.
Ce qui lui porterait préjudice en, notamment, captant sa renommée.

Afin de réduire les conséquences d’une éventuelle décision défavorable qui reconnaîtrait une contrefaçon des droits de l’artiste Futura, The North Face a décidé de retirer progressivement le logo litigieux, lui permettant de décider ainsi de son calendrier marketing et commercial, plutôt que de subir un calendrier judiciaire inconnu.

L’affaire est pendante devant le juge américain. Futura demande à ce que la ligne de vêtements litigieuse soit retirée de la vente et que des dommages et intérêts lui soient versés.

Futura a d’autant plus d’intérêt à protéger son atome qu’il en a fait un outil commercial valorisé, qui lui a permis – grâce à la notoriété acquise – de conclure des partenariats avec des marques connues et renommées parmi lesquelles The North Face dans les années 2000, Hennessy en 2012, Uniqlo en 2017, BMW en 2020, AllRightsReserved en 2021.

Affaire à suivre.

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